TRAVELLING / 2011
La série Travelling de Corinne Lecot est composée d’une vingtaine de photographies en noir et blanc de l’intérieur du métro bruxellois vu systématiquement à partir de l’une ses fenêtres. Ce cadrage permet également de voir la fenêtre donnant sur l’autre quai du métro. Notre regard ne s’arrête donc pas aux visages anonymes de l’intérieur du wagon, mais traverse celui-‐ci et va au-‐delà, pour scruter les silhouettes fugitives à l’arrière-‐plan.
La répétition du même dispositif fait également écho à la cadence journalière et rappelle que le métro est ancré dans les habitudes de bon nombre de ces individus. De plus, cette délimitation renvoie également à l’enfermement voyageur dans le wagon de métro mais, de façon plus métaphorique, à des individus prisonniers du quotidien. Dans cette perspective, le métro apparaît alors comme l’expression même de la routine.
Cependant, il semblerait que la série Travelling constitue plutôt une ode au métro comme lieu de passage où convergent la poésie du quotidien et la magie du hasard. L’artiste a choisi de capturer le moment succinct de l’arrêt du métro en station. C’est dans ce moment transitoire que réside l’instant décisif, où les individus esquissent malgré eux une chorégraphie. Comme ce moment de la chaise musicale où la mélodie s’arrête : ils se lèvent, s’asseyent, rentrent ou sortent du wagon, changent de place. Ainsi, durant quelques minutes, des rencontres se produisent, des liens se tissent et des chemins se croisent à l’image du réseau de métro. Car c’est d’un réseau humain dont il est question dans ses photographies de Corinne Lecot. Il se tisse essentiellement par des regards échangés, croisés voire déviés qui oscillent entre la gêne, la méfiance et la curiosité du voyeur. Précisément, Corinne Lecot nous place en position de voyeur, regardant sans être regardés, derrière une vitre, faisant écho à notre expérience visuelle contemporaine conditionnée par une multitude d’écrans (allant de la télévision au GSM). Pourtant, dans l’une ou l’autre photographie, un individu fixe l’objectif, mettant à mal le point de vue omniscient qu’on croyait avoir dans un premier temps.
En intégrant le regard du spectateur dans le réseau de regards déjà établi dans les photographies, Corinne Lecot l’inclue dans cette série, résolument dynamique. En effet, par la démultiplication des prises de vue et le geste arrêté – particulièrement perceptible dans le flou de certaines silhouettes – la série Travelling prend une dimension cinématographique. Les différents instantanés se présentent alors comme une série de photogrammes, attendant à être mis en mouvement.
Texte Olivia Ardui, 2013
Tirage Hahnemühle Fine Art Rag®
Contre-collage sous Diasec® 4/4mm
Existe en deux formats d'édition
45 x 45 cm | Ed.7+1EA
80 x 80 cm | Ed.7+1EA